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Le cardinal Pacca

portrait du cardinal Pacca

Bartolomeo Pacca (1756-1844) était italien. Il servit l’Eglise de Rome quasiment toute sa vie.

Nommé archevêque à 30 ans, il devenait nonce apostolique l’année suivante avant d’être créé cardinal en 1801. Dès lors, il resta proche du pape Pie VII avec qui il partagea l’emprisonnement par Napoléon de 1809 à 1813.

Il rejoignit ensuite Rome où il servit à différents postes (camerlingue, cardinal protoprêtre, cardinal-évêque, préfet de la congrégation pour l’érection des Eglises…). (source Wikipedia)

C’est lui qui accueillit Eugène de Mazenod à Rome lorsque celui y vint pour faire reconnaître sa jeune congrégation.

Bernard Dullier a concocté cette interview à partir du livres des mémoires du cardinal Pacca et du journal d’Eugène de Mazenod

Eminence, merci de nous recevoir dans votre splendide palais d’où nous avons une bien belle vue sur la place et l’église de Santa Maria in Campitelli.

Ce palais est une demeure très agréable et malgré ma charge de cardinal doyen du Sacré Collège qui voudrait que je réside au Vatican, je préfère demeurer ici, face à cette église où je désire être enterré, au pied de l’icône miraculeuse de Santa Maria in Portico.

C’est donc ici même que vous avez reçu le jeune abbé Eugène de Mazenod.

C’est bien là, dans ce salon, qu’il est venu à de nombreuses reprises durant l’hiver 1825 – 1826. Mais il n’était pas pour moi un inconnu et nous nous connaissions déjà.

Pourtant c’était la première fois qu’il venait à Rome ?

C’est exact. Mais vous semblez oublier, que, par la volonté de celui que vous appelez l’empereur Napoléon Ier, le Saint Père et certains cardinaux dont j’étais, furent exilés à Paris.

portrait noir et blanc de Monsieur Emery

Et c’est dans ces circonstances que vous avez rencontré l’abbé de Mazenod ?

Il était alors séminariste au séminaire Saint Sulpice de Paris. Le directeur en était Monsieur Emery, un farouche opposant au général Bonaparte qui prétendait gouverner l’Eglise en lieu et place du Pape. Monsieur Emery avait mis à notre disposition quelques-uns de ses séminaristes les plus sûrs dont l’abbé de Mazenod.

Quel rôle jouait-il alors ?

Du fait de ses dix années d’exil à Venise, Naples et Palerme, il parlait parfaitement l’italien, ce qui était très précieux pour nous. Il servait d’agent de liaison entre la Maison pontificale et les différents cardinaux. Il était fort apprécié pour son efficacité, sa discrétion et surtout son attachement profond au Saint Siège.

Cela n’était-il pas dangereux pour lui ?

Evidemment. C’est ainsi qu’un jour d’octobre 1812, quand nous ne l’avons plus vu, nous avons pensé qu’il avait été arrêté. Mais nous avons appris avec soulagement qu’il avait réussi à quitter Paris juste à temps et qu’il était retourné dans sa Provence natale, échappant de peu à la police du régicide Fouché.

Revenons à ce salon et à novembre 1825. Il avait alors 43 ans et il était prêtre depuis 14 ans. Que venait-il faire à Rome ?

A son retour à Aix après avoir échappé à la police impériale, il a été bouleversé par le déplorable état de l’Eglise de Provence. Touché au cœur et pris d’un grand zèle pour le Christ et pour l’annonce de l’Evangile, il rassembla quelques prêtres dans le but de prêcher des missions aux plus abandonnés. Après quelques années de ce ministère, il voulut que cette petite Société de prêtres devienne une Congrégation religieuse. C’est pour en obtenir la reconnaissance pontificale qu’il entreprit ce voyage à Rome.

Une reconnaissance du diocèse d’Aix n’aurait-elle pas suffi ?

Théoriquement si. Mais encore fallait-il réussir à l’obtenir. Le père de Mazenod me raconta qu’il se battait pour cela depuis sept longues années. Mais beaucoup d’évêques trouvaient ses thèses morales trop en pointe. Certains le considéraient même comme dangereux. N’oubliez pas que la France était encore majoritairement janséniste. Il avait même été dénoncé à Rome. Pour sauvez sa jeune Congrégation, il n’avait plus qu’une solution : avoir directement recours au Saint Père.

Pourquoi, en débarquant à Rome, s’est-il directement adressé à vous ?

Comme je vous l’ai dit, des liens d’amitié s’étaient tissés entre nous durant mon exil parisien. D’autre part j’étais le cardinal préfet « chargé » des religieux et j’étais donc le premier concerné par sa démarche.

Quelle a été votre réaction quand il vous a fait part de sa demande ?

Je l’ai retrouvé tel que je le connaissais : passionné et sachant s’y prendre pour convaincre son auditoire. J’ai été conquis par son enthousiasme, son audace, son sens missionnaire.

Il fallait tout de même un bonne dose de culot pour demander au Saint Père de reconnaître une Congrégation qui n’avait que sept ans d’âge et qui ne comportait qu’une dizaine de membres !

Je savais que cette audace ferait la conquête du Saint Père et que cette œuvre lui plairait. Ce qui n’a pas manqué de se produite lors de l’audience qu’il a obtenue le…

portrait de Léon XII par Charles Picqué (1828)Le pape Léon XII
peint par Charles Picqué (1828).
(Grand séminaire de Malines)

Une audience que vous lui avez obtenue le 20 décembre 1825.

J’y ai de fait un peu contribué. Le Saint Père Léon XII lui prêta une grande attention, confirma, comme je m’y attendais, que cette œuvre lui plaisait et lui indiqua la démarche à suivre en vue d’obtenir la reconnaissance de l’Eglise pour sa jeune Congrégation de Missionnaires.

Après une pareil accueil papal, les choses durent aller très vite.

Compte tenu de la lenteur habituelle de la Curie romaine, cela alla en effet à la vitesse de l’éclair. Pourtant, certains cardinaux soulevèrent bien des objections et le père de Mazenod s’impatientait. Parfois même un peu trop. Je sais qu’il mécontenta fort un cardinal en allant l’importuner à une heure avancée de la soirée, alors que cette Eminence était déjà en bonnet et chemise de nuit. Il vint me trouver ici une bonne vingtaine de fois en deux mois pour m’inviter à secouer la bureaucratie romaine.

Il a finalement obtenu gain de cause ?

Deux mois à peine après l’audience papale ! Le 15 février, deux cardinaux nommés par Sa Sainteté se sont retrouvés dans ce salon avec moi pour examiner la demande. Malgré les hésitations de mon collègue, le cardinal Pallotta, notre commission émit un avis favorable.

Que faisait l’abbé de Mazenod en attendant votre décision ?

Il priait, en face, dans cette église de Santa Maria. Mon secrétaire devait l’avertir dès que la décision serait prise mais il avait oublié et nous étions tous partis manger. Lui il attendait toujours. Il m’a même raconté que ce matin là, il avait entendu neuf messes les uns après les autres, en guettant la réponse qui ne venait pas. Ce n’est quand dans la soirée qu’il apprit enfin l’heureuse nouvelle et qu’il put donner libre cours à sa joie.

Si je comprends bien, vous êtes pour beaucoup dans la reconnaissance officielle de la Congrégation des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée.

C’est exacte et j’en suis assez fier. J’espère que, lorsqu’ils viendront dans cette église pour se souvenir de leur Fondateur, les Oblats n’oublieront pas de se recueillir sur ma tombe !

Concocté d’après le livre de mémoires du cardinal Pacca et le Journal de 1825 – 1826 d’Eugène de Mazenod

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