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Jan Philip Roothan, jésuite

Jan Philip Roothan naquit à Amsterdam en Hollande le 23 novembre 1785 et fit son noviciat durant les années 1804-1806.

Après avoir été professeur, il il fut élu en 1829, 21ème supérieur général de la Compagnie de Jésus. Il décéda à Rome le 8 mai 1853.

Il est reconnu comme le second fondateur (ou restaurateur) de la Compagnie. Il reçut comme consignes du chapitre général quelques orientations de gouvernement : améliorer la formation spirituelle (surtout les Exercices Spirituels) et intellectuelle des jeunes jésuites, ne pas ouvrir inconsidérément des collèges (s’assurer de leur financement) et moderniser le programme d’études (davantage de sujets scientifiques), relancer l’apostolat intellectuel (étudier les nouveaux courants philosophiques et théologiques et les recherches sur l’histoire de la Compagnie), et être plus strict en ce qui concerne l’admission définitive dans la Compagnie.(Source Wikipedia)

En prenant sur la correspondance et le journal d’Eugène de Mazenod, a été reconstituée l’interview fictive suivante :

Mon très révérend Père, merci de prendre quelques minutes de votre précieux temps pour répondre à l’enquête que je mène sur Mgr Eugène de Mazenod. J’ai lu récemment qu’il serait un fils des Jésuites ? Qu’en pensez-vous ?

Cela est peut-être un peu exagéré. Eugène de Mazenod avait suffisamment de personnalité pour ne dépendre de personne, pas même de saint Ignace. Mais il n’en est pas moins vrai que certains Jésuites ont joué un rôle dans sa vie.

L’entrée de l’arsenal par Canaletto (1732)

Vous pouvez me fournir quelques exemples ?

Pendant son adolescence, à Venise, il y a été très marqué par don Bartollo Zinelli, mort en odeur de sainteté. Il a passé trois années sous la direction et dans la compagnie habituelle de ce Jésuite qui l’aimait comme un fils. Entre autres choses, il lui faisait lire nos fameuses ‘Lettres édifiantes sur les missions étrangères’. Qui sait si ce n’est pas là qu’il faut chercher l’origine de son ouverture aux missions au-delà des mers.

Plus tard, alors qu’il se posait la question de rentrer au séminaire, il a trouvé sur sa route à Marseille un autre Jésuite, le père Magy, un excellent accompagnateur et un bien saint homme.

Décidément, il n’y a que des saints dans la Compagnie !

Ne soyez pas moqueur avec nous. Le père Magy discerna sa vocation de prêtre et même, il l’aurait bien vu Jésuite. Mais Eugène de Mazenod avait trop de personnalité pour rentrer dans des cadres tout faits. Il lui fallait avoir les coudées franches.

Saint Ignace de Loyola

C’est ainsi qu’il a fondé les Missionnaires de Provence, les futurs Oblats de Marie Immaculée. Certains prétendent que pour fonder son Institut, Eugène de Mazenod a beaucoup emprunté à saint Ignace. Qu’en pensez-vous ?

Il avait un grand respect pour saint Ignace. D’ailleurs leur deux chemins spirituels se ressemblent beaucoup : même attachement à la personne du Christ, même foi en un Dieu Sauveur de tous les hommes, même place accordée à la Croix. Il est donc normal qu’il ait emprunté un certain nombre de choses à notre Règle.

Quoi par exemple ?

Ce qui concerne la manière de pratiquer l’obéissance ou encore la façon de voir la communauté. Mais je crois pouvoir dire que malgré ces emprunts, Eugène de Mazenod a fait une oeuvre originale.

Donc, les fils de saint Eugène ne sont pas une pâle copie des Jésuites, comme le prétendait autrefois le dictionnaire de monsieur Littré. Voilà qui devrait rassuré les Oblats. Mais, dites moi, plus tard, quand il devint évêque, quels furent les rapports de Mgr de Mazenod avec la Compagnie ?

Un peu comme des relations entre deux amis qui s’aiment bien mais qui n’arrêtent pas de se chamailler.

Commençons par l’amour !

D’abord c’est lui qui nous a fait venir à Marseille. C’était en mai 1839 et il a fait appel à nous malgré l’opposition de son clergé diocésain. Il a mis à notre disposition une belle chapelle et un grand bâtiment, rue du Tapis Vert. Il a même écrit à cette occasion que l’établissement des Jésuites à Marseille marquait un des plus beaux jours de son épiscopat.

Adolphe Thiers

Peut-être n’était-ce qu’une exagération de provençale

Peut-être ! Il n’empêche qu’il a pris notre défense quand le gouvernement de monsieur Thiers a voulu nous chasser de France, en 1845. Il a écrit au ministre de la Justice pour traiter cette décision d’inique et d’injuste. Il a protesté auprès du roi. Il s’est même adressé au pape qu’il trouve bien tiède dans sa défense de la Compagnie, lui demandant d’intervenir avec vigueur.

Plus tard, quand nous avons été chassés de Rome, il m’a accueilli, moi et le conseil général, à Marseille en m’offrant l’asile de son évêché. Nous y sommes restés plus d’une année. Vous voyez que cela n’avait rien à voir avec une galéjade provençale.

Bon d’accord ! Mais venons-en à ce que vous appelez les chamailleries.

Eh bien, par exemple, il n’a guère apprécié que son neveu Louis devienne Jésuite. Il nous a accusé de l’avoir débauché à notre profit, nous reprochant de ne laisser à l’Eglise diocésaine que les rebuts de la Compagnie !

N’avait-il pas un peu raison ?

Rien n’est trop beau pour la gloire de Dieu. Mais passons. Une autre brouille est intervenue quand nous avons voulu ouvrir un lycée dans sa ville épiscopale de Marseille.

Je me suis laissé dire que votre supérieur n’avait pas été très franc et qu’il avait profité de l’absence de l’évêque pour le mettre devant le fait accompli.

Je dois reconnaître que notre supérieur était allé un peu vite. Monseigneur de Mazenod ne supportait pas qu’on lui marche sur les pieds et qu’on prenne des décision à sa place. Il a convoqué notre supérieur pour lui dire en substance : mon père, à Marseille c’est moi qui commande et je vous autoriserai à ouvrir un lycée quand je le jugerai opportun.

Cela avait au moins le mérite d’être clair. On ne discute pas un ordre de Monseigneur de Mazenod même quand on est Jésuite. Mais j’ai aussi entendu dire que vous lui avez joué un autre vilain tour à propos d’un grand séminaire.

Vous voulez sans doute parler de l’affaire de Romans. C’est vrai que je n’en suis pas très fier. Alors que les Oblats avait la charge du grand séminaire de Romans, le provincial de la Compagnie manœuvra auprès de l’évêque pour faire mettre les Oblats à la porte au profit des Jésuites.

Comment monseigneur de Mazenod a-t-il réagi ?

Il a vu rouge. Il a écrit sa façon de penser à l’évêque de Valence et il m’a envoyer une des lettres les plus incendiaires que j’ai jamais reçues. Je l’ai conservée. Tenez, lisez : « C’est une indigne initiative d’hommes qui ont perdu tout sentiment de délicatesse et d’honneur. Il m’est très pénible de vous découvrir capable d’une telle infamie. »

C’est une belle volée de bois vert. Honnêtement, vous ne l’aviez pas volée. Je suppose qu’à partir de là vos rapports se sont distendus.

Non, pas le moins du monde. Une fois les choses dites et la colère passée, on pouvait reprendre avec lui des relations amicales. Il était incapable de la moindre rancune. C’était un homme droit et franc. La Compagnie est fière d’avoir travaillé dans le diocèse d’un tel évêque et j’espère que le Saint Siège ne va pas trop tardé à en faire un saint !

Aux côtés de saint Ignace ?

Non, à la place originale qui est la sienne.

Concocté d’après la correspondance et le journal de Mgr de Mazenod.