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Une année auprès des forains : foi, fraternité et fidélité

Depuis un an, Didier Cavataïo exerce un ministère auprès des artisans de la fête en région PACA: « Une année de rencontres, de confidences, de prières partagées et de moments de grâce », comme il l’écrit.

L’été a été pour lui l’occasion de dresser un bilan de cette première année

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Un an de mission officielle : au cœur des fêtes et des familles

Cela fait maintenant un an que j’ai officiellement commencé mon service pastoral auprès des artisans de la fête, plus communément appelés forains. Une année de rencontres, de confidences, de prières partagées et de moments de grâce. Une année où j’ai appris à aimer davantage ce monde si particulier, fait de lumière, de bruit, de traditions et de foi discrète. En voici un petit extrait, une brève…. Les prénoms ont été volontairement changés pour garder toute confidentialité… La foi c’est avant tout une affaire de femme. La rencontre avec les hommes et l’intégration dans le monde masculin forain se fera plus tard avec la confiance, la patience et le temps.

1er septembre 2024 – Fin de saison à la Canebière

Ce soir-là, les chalets installés en bas de la Canebière fermaient leurs portes. La saison touchait à sa fin. Je suis arrivé vers 16h30, accueilli par une petite bière offerte, geste simple mais fraternel, qui m’a permis de faire connaissance avec Clara, une amie de Mireille, foraine aussi. C’est grâce à cette rencontre que la conversation s’est ouverte.

Nous avons parlé de la vie foraine, de l’histoire des familles, de leurs origines complexes et de leurs traditions transmises avec fierté. Clara m’a raconté les liens entre les différentes fratries, les mariages entre communautés, et les défis liés à la transmission de la foi.

Elle m’a confié son inquiétude pour le petit dernier de la famille, scolarisé dans une école catholique mais non baptisé, malgré sa catéchèse et sa connaissance des prières essentielles comme le Notre Père et le Je vous salue Marie. Il possède déjà une Bible pour enfants. Le baptême est envisagé pour 2025, peut-être à l’église Saint-Joseph à Marseille, mais cela reste à confirmer.

Portrait de Clara et de sa famille

Clara est une femme passionnée par son métier, foraine de génération en génération. La recette des chichis viendrait de son arrière-grand-père, qui aurait aussi été le premier à inventer la célèbre « roue de la mort », cette attraction où l’on entre en moto dans une sphère métallique.

Sa famille est marquée par les épreuves : sa mère est atteinte d’une maladie dégénérative, son père greffé du rein depuis trente ans a subi une nouvelle greffe en janvier dernier, et son grand-père aurait eu la même pathologie, bien qu’elle ne soit pas héréditaire. Malgré tout, cette famille reste joyeuse, reconnaissante et pleine de courage. En cette fin de saison, ils sont épuisés. Lundi matin, on démonte tout.

Identité foraine et transmission

Nous avons aussi évoqué les différentes identités dans le monde forain. Clara appartient à la communauté des « voyageurs », tout comme sa tante Denise. Elle a deux frères et deux sœurs, tous dans le métier. Elle s’est mariée avec un forain issu du monde des « pindés », du monde comme vous et moi, ces artisans de la fête venus d’autres horizons. Un enfant né de cette union est reconnu comme forain, mais ses origines ne sont jamais oubliées.

Il est difficile d’être accepté dans ce monde, que ce soit comme forain ou comme aumônier. Ce sont les forains qui choisissent leur représentant religieux, et non l’inverse. Clara m’a aussi parlé de ceux qui s’improvisent forains, comme certains commerçants de marché. Bien qu’ils soient enregistrés au registre du commerce, ils ne sont pas considérés comme des « artisans de la fête ». D’où l’importance de connaître les vraies familles foraines.
Avant de partir, Clara m’a demandé la bénédiction de sa maison et de sa famille. J’attends les autorisations nécessaires pour pouvoir répondre à cette demande avec le rituel approprié. J’ai pu organiser cela et le faire très vite de manière officielle et encadré en tant que frère.

Un mois après Lourdes

Cela fait un mois que je me suis rendu à Lourdes. N’ayant pas pu y aller avec le pèlerinage des forains après le 15 août, j’espère m’y rendre avec les artisans de la Fête au niveau national en février.

Le 7 septembre, lors de la messe du soir à la basilique du Rosaire, juste après la communion, Mireille m’a annoncé le décès de la maman de Clara. Je suis allé immédiatement déposer un cierge au brûloir près de la grotte. J’ai porté cette famille dans ma prière tout au long de mon séjour, ainsi que cette communauté trop souvent oubliée. J’ai aussi confié à Notre-Dame mes propres préoccupations et cette mission ecclésiale.

Espoir et présence

La foire de Marseille a commencé plus tôt cette année, dès le 20 septembre. J’y suis allé presque tous les jours. Mireille m’a confié ses inquiétudes : un manège en panne, des soucis avec un employé, des critiques injustes. Je l’écoute, sans prendre parti, simplement en étant là.

J’ai revu Sophie, l’épouse de Marc, et la maman de Samuel, qui m’a exprimé sa tristesse de ne pas voir son fils baptisé. La décision lui revient désormais, car il approche de la majorité. C’est aussi le souhait de sa grand-mère et de toute la famille.

Le 27 septembre, j’ai accompagné un aumônier du diocèse voisin pour un baptême dans un cirque. L’accueil fut chaleureux. Deux jours avant, j’avais rêvé d’un cirque sans savoir que la cérémonie s’y tiendrait. Ce fut un moment magique, presque théâtral, comme un numéro entre le clown auguste et le clown blanc avec la prière en plus. Les gens ont beaucoup prié et ri aussi, et nous aussi après relecture.

J’ai aussi rencontré le cousin de Clara, sans savoir qui il l’était. Il m’a parlé des préjugés dont il souffre en tant que « gens du voyage », le terme « voyageur » est plus correct. Je lui ai dit que ce qui compte, c’est le cœur, pas les apparences. Il a été touché par cette parole.

Conclusion

La saison continue de lieux en lieux, de rencontres en rencontres, toujours sans voiture, je m’organise comme je peux. Cette année passée auprès des forains m’a profondément marqué. Leur accueil, leur foi discrète mais sincère, leur résilience face aux épreuves m’a rappelé combien Dieu agit dans les cœurs simples et généreux.

Je continue à avancer dans cette mission avec confiance, même si certaines décisions tardent. Je choisis de m’en remettre à la Providence, dans la paix et la prière. Ce ministère, je le vis comme un appel à la fidélité, à l’écoute, et à la présence.

Je garde l’espérance que les choses se mettront en place en leur temps. En attendant, je reste disponible, enraciné dans la prière, et porté par l’amour que je reçois de cette belle communauté d’artisans de la fête.
“Ne crains rien, car je suis avec toi ; ne promène pas des regards inquiets, car je suis ton Dieu.” Isaïe 41,10

Didier Cavataïo