Philippe Morinat on line…
par Philippe Morinat
13 ans déjà…!
13 ans déjà que j’ai débarqué à Montréal fin juin 2010 avec dans ma valise mon anorak, les chaussures de montagne, les crampons et le piolet. A la sortie de l’aéroport il faisait 35° avec « l’humidex ». Je pensais m’être trompé d’avion …
La communauté était composée de 25 membres. En 2021, nous étions 3. Depuis octobre 2022, nous sommes relocalisés : 1 à la communauté des anciens à Richelieu, mon confrère Yoland Ouellet dans un appartement dans l’Est de Montréal et moi dans un appartement à 5 minutes de l’église. Saint-Pierre-Apôtre est située dans le Village, quartier gay de Montréal depuis les années fin 60, début 70. Avant cela les bars étaient plus dans le centre et le vieux port. 90% des paroissiens sont des hommes gais, les 10% sont des couples du quartier. Cela surprend au début car il n’y a pas d’enfant et très peu de femmes. Les célébrations sont priantes, chantantes chacun vient parce que cela a du sens pour lui.
Le Village a deux visages. L’été la rue Sainte Catherine devient piétonnière de mai à début octobre. La rue est décorée, les terrasses des bars et restaurant occupent la rue, danse et musique font le spectacle. Résidents et touristes profitent de cet aménagement dans la joie, les rires et surtout avec le soleil. L’hiver, la rue perd toutes ces activités et les 2/3 de sa clientèle. La neige, le froid humide montre une autre réalité. A 19h les bars sont presque vides. Si vous voulez perdre le moral, allez marcher sur la rue fin décembre, il n’y a pas beaucoup de gaieté dans les bars. Les problèmes de toxicomanie et d’itinérance augmentent dans le quartier, les agressions et l’insécurité aussi. ALORS VENEZ l’ÉTÉ !
Les premières années se sont partagées entre la paroisse, une association accompagnant les personnes condamnées pour agression sexuelle, un organisme s’occupant des personnes atteintes du VIH Sida (homme, femme et enfant). Moins d’Oblats, plus de présence à la paroisse mais je ne suis pas le curé. Yoland Ouellet s’occupe des relations avec le diocèse. Cela me laisse le temps de continuer quelques activités. De plus en plus des personnes ayant demandées l’aide médicale à mourir téléphonent et demandent si je peux les rencontrer, soit à domicile, soit à l’hôpital, pour parler. Certaines me demandent d’être présent le jour de leur mort. Cette présence est un soutien pour la famille. Je participe à un groupe qui accompagne les parents ayant perdu un enfant par overdose. Écoute, déculpabilisation, accepter le regard des amis et de la famille, je suis une présence bienveillante.
Heureusement il n’y a pas que la mort. Je développe les activités dans l’église et je m’occupe des différents groupes locataires. En résidence il y a 3 chorales, 3 groupes de A.A, 2 groupes DASA (dépendance affective et sexuelle anonyme), 1 groupe de Vie Mariale, Rezo qui travaille dans le milieu de la prostitution et de la toxicomanie, Humanitum qui propose des rencontres de bien-être.
Plus joyeux les baptêmes d’enfants, surtout avec des parents homoparentaux. Ils viennent à Saint-Pierre car le prêtre de leur paroisse refuse de baptiser l’enfant. Les mariages, c’est un peu la même chose. L’église est belle alors les futurs mariés viennent d’un peu partout. C’est aussi la même situation pour les funérailles à cause de la situation de l’église dans le village. Le plus festif est Noël et Pâques avec la communauté laotienne suivi d’un repas fait maison.
Je garde le meilleur pour la fin, le top du top ! La location de l’église pour les tournages de films et les concerts. C’est impressionnant de voir arriver l’équipe des décors transformer l’église, toutes les équipes techniques et les prises de vues. Pour les concerts, il y en a environ une bonne quinzaine par année, je me transforme en éclairagiste. Je grimpe régler les projecteurs, je fais les derniers réglage le soir de la générale et le jour du concert je suis assis derrière la console pour assurer les jeux de lumière.
Je vous rassure, je prends le temps de souffler. En principe je coupe l’hiver en allant passer 3 semaines en Floride ou au Mexique.
Philippe Morinat