Pierre Ven
Nous vous informons que Pierre Ven est décédé 19/1/2023 à Pontmain. Il avait 92 ans.
Pierre Ven était né 1/8/1930
Il avait prononcé ses vœux ches les OMI 25/3/1954
Il avait été ordonné prêtre 9/10/1955
Pierre Ven (ou Le Ven) est né le 1er août 1930 à Landivisiau (22) au diocèse de Quimper. Il était donc originaire de Bretagne, en Finistère, au « pays de Léon ». Il était l’aîné de cinq enfants dans une famille dont les parents avaient pour métier : le père celui de maçon, la mère celui de vendeuse de tissus… Il a eu un cycle de formation oblate assez habituel : juniorat à Pontmain ; noviciat à La Brosse-Montceaux, avec les premiers vœux le 8 septembre 1949 ; puis le scolasticat à Solignac, avec l’Oblation perpétuelle le 25 mars 1954, et l’ordination sacerdotale le 9 octobre 1955.
Le 21 mai 1956, il reçut sa “première obédience” pour la Province de France-Nord. Pendant une douzaine d’années il fait partie des équipes des missions populaires, puis des « missions C.P.M.I. ». Il intervenait surtout dans le monde ouvrier, des zones urbaines et rurales… Puis, pour lui comme pour beaucoup d’autres, il y aura une reconversion à faire. Alors commence la seconde étape de sa vie missionnaire, la plus connue, comme prêtre ouvrier, ou P.O.
Il raconte que, pour lui, cela s’est passé pendant la mission C.P.M.I. de Lesneven, au début de l’année 1966. Proposition lui fut faite par les responsables de l’Église locale et par les responsables laïcs d’Action Catholique du C.M.R., de “plonger” dans la réalité du monde ouvrier telle que vécue par des gens qui venaient de quitter les travaux de la ferme en campagne. Il démarra, durant les étés 1966 et 1967, comme saisonnier dans une coopérative laitière, puis comme manœuvre dans le bâtiment.
Dans le n° 71 (30 mars 1969) des Échos du Nord, Pierre livrait alors ses premières impressions :
« Ce stage n’a été voulu, pensé et vécu qu’à l’intérieur d’un effort missionnaire plus vaste. Il a été décidé comme un mode particulier d’une intervention plus large : la mission. Ces cinq mois de présence au travail s’intègrent dans un ensemble d’activités missionnaires diverses et complémentaires : réunions d’échange, conférences en salle, retraites paroissiales… Cette expérience n’a été possible qu’en raison du cadre plus général de la mission. Elle n’a été signée par les prêtres et les évêques que comme une clause dans tout le dispositif d’une mission itinérante… Vu le contexte local, je n’avais pas à camoufler mon identité de prêtre : d’ailleurs, je ne l’aurais pas pu. Mais cela ne devait pas m’empêcher de communier le plus possible à la vie des ouvriers, en partageant loyalement leur condition de travail…
Cinq mois prêtre-manœuvre dans le bâtiment, telle était ma situation, et, en cette qualité, une double fidélité s’imposait : fidélité à l’Église qui m’avait envoyé un peu plus avant chez les travailleurs – et fidélité aux travailleurs que ma présence parmi eux ne manquait pas d’interroger. Pour les uns, la question était de savoir comment je pouvais encore célébrer la messe, confesser et prêcher. Pour les autres, elle était de savoir si c’était vrai que je travaillais à plein temps au milieu des ouvriers. À travers elle, se pose la question du difficile équilibre à garder pour le prêtre au travail. »
Trente-cinq ans plus tard, Pierre Ven revient sur cette expérience longue, mais toujours passionnante et passionnée. On retrouve cela dans deux contributions de Pierre à Omi-Documents n° 39 (juillet 2004), intitulées : « DES OBLATS PRÊTRES-OUVRIERS », et « 35 ANS DE VIE OUVRIÈRE ». En rétrospective donc, il parle de la première période comme d’un “temps d’apprivoisement” :
« Trois ans d’apprivoisement… C’est le temps qu’il m’a fallu pour mûrir la décision d’être “prêtre- ouvrier”. Plus la vie ouvrière colle à la peau, ce qui était au départ “proposition temporaire” venant des autres devient choix personnel durable… Ce qui était dispositif missionnaire transitoire se transforme en engagement radical et définitif. Ceci devient ma conviction profonde : “Il faut vivre quotidiennement et corporellement une présence gratuite parmi les gens du bâtiment pour rendre crédible la mission-Église”. Il s’agit d’en être ; c’est un engagement entier. »
Quant au présent quotidien de cette année 2004 : depuis 1975, Pierre Ven vit en équipe OMI-PO dans une cité populaire au Mans. Il insiste sur la valeur de “habiter avec” : « Il nous est maintenant bien difficile de sortir de chez nous sans être interpellés pour un problème. »
Il reprendra une fois de plus son témoignage en 2015, en préparation du bicentenaire des Missionnaires oblats ; cette fois ce sera un témoignage oral, dans le film « Les Oblats de Marie Immaculée : audacieux pour l’Évangile », réalisé par Armand Isnard pour et en collaboration avec la chaîne KTO. Il est l’une des figures typiques des Oblats de France mises en vedette dans ce film.
Mais dès mars 2010, les forces de Pierre Ven fléchissent. En septembre 2012, il rejoint la communauté de Pontmain. Dans son ancien juniorat, il entame une nouvelle étape de sa vie missionnaire : il s’active pour embellir, nettoyer, et fleurir le cimetière des Oblats de Pontmain ; et peu à peu il étend ses activités à l’ensemble du parc.
En communauté, il est fraternel et très serviable, toujours attentif à la façon dont il peut aider les confrères moins valides.
Le début de l’année 2020 marque une date mémorable : le jeudi 25 février, les P.O. de la communauté (Pierre Ven, Lucien Vivant et Marcel Rouyer) rencontrent les P.O. de Laval, dans la fierté de ce qu’ils ont vécu, et vivent encore.
Puis en mai 2020, vu les confinements parfois stricts du covid, Pierre, éternel marcheur dans le parc, y rencontre de plus en plus de marcheurs, masqués ou non, avec qui il peut échanger, partager le vécu. Il est émerveillé par le retour des hirondelles, qui comme les humains respirent mieux. En octobre de la même année, avec d’autres il s’active au ramassage des châtaignes en vue d’une veillée communautaire autour du feu !
Mais les jeunes années, humainement parlant, s’éloignent encore. Le 12 octobre 2022, Pierre Ven est hospitalisé pour soigner un problème respiratoire qui datait de plusieurs mois et s’était compliqué depuis peu. En fait, son état général est marqué par la fatigue, l’épuisement.
Et maintenant, tandis que son corps dans le cimetière de Pontmain qu’il a voulu si accueillant, il soigne sans doute les parterres fleuris dans un monde meilleur, afin de nous y accueillir dignement.
Repose en paix, Pierre.
Roland Jacques, o.m.i.
Témoignages
Une petite anecdote de la vie de Pierre Ven, que j’ai pu partager.
Après le débarquement du 6 juin 44, les Junioristes qui étaient à Pontmain n’avaient plus la possibilité de rentrer chez eux en Bretagne. Les Pères o.m.i. responsables, décidèrent de faire rentrer chez eux ce groupe de junioristes à pied ; pour certains ça faisait plus de 200 kms.
Les Pères Allain et Tessier avaient été choisis comme responsables de cet exode vers la « terre promise, chez soi, à la maison ». Avant de partir on avait appris à ces garçons, entre I2 et 14 ans, à faire un paquetage avec une couverture et quelques objets de toilette et ce fut le départ muni d’un passeport fourni par les Allemands, chacun le sien.
On a cheminé par petits groupes sous la protection du P. Allain soit une douzaine de garçons. Le P. Tessier lui allait chercher un bivouac pour passer la nuit ; il contactait le curé qui lui contactait un fermier chez qui on passait la nuit dans un tas de foin. Un jour, à Merdrignac, on rencontre des fermiers des Cotes d’Armor avec des charrettes qui avaient été réquisitionnées par les Allemands pour porter des munitions à leurs soldats qui bataillaient sur le front de Normandie. Ils rentraient chez eux, les charrettes vides. Les Pères avaient dû demander aux fermiers si on pouvait déposer les paquetages dans les charrettes vides, ça ne pesait pas lourd ! Peu à peu certains garçons ont dû demander à s’asseoir dans les charrettes. Ainsi les jours passaient et on approchait de la maison ! Mais voilà ces fermiers et leur charrette étaient arrivés chez eux sains et saufs. Seulement, la majorité des garçons étant du Finistère, ils ont continué à pied.
A Rostrenen, c’est un grainetier qui nous avait hébergé pour la nuit ; au matin en nous remettant en route, on a pu voir des résistants pendus sous le balcon de certaines maisons….
La dernière étape a été Landivisiau où Pierre Ven et Louis Hernot ont retrouvé leurs parents. Les 20 derniers kms, je les ai faits sur le porte bagage du P. Allain. La saga était terminée, on était tous sains et saufs, on était tous rentrés chez nous, j’avais 12 ans.
François Cueff