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Les opérations aériennes

Historique des réseaux Forces Françaises Combattantes

le général de Gaulle en juin 40 devant le micro de la BBC prononce son discoursLe 18 juin, le Général de Gaulle réalise le regroupement de toutes les bonnes volontés. II lui faut à présent organiser la Résistance dans le pays occupé. Les Forces Françaises Libres de Londres ont dès l’été 1940 créé un service « Actions », associé en 1942 à un service « renseignements » au sein du B.C.RA.M. (Bureau Central de Renseignements et d’Actions Militaires) qui deviendra le B.C.R.A. dirigé par André Deveavrin, « Colonel Passy au printemps 1943. Churchill, côté anglais, a confié la tâche au S.O.E.(Special Opérations Executive) avec pour mot d’ordre « Mettre le feu à l’Europe ». La section Française du S.O.E. dirigée par le Colonel Buckmaster, envoya en France, de l’été 1941 à la Libération, 95 missions chargées de tisser les liens avec les réseaux de résistance existants afin d’exécuter sabotages et attaques contre l’ennemi et d’obtenir le maximum de renseignements sur leurs activités.

Le S.O.E. anglais et le B.C.R.A. français travaillèrent toujours en étroite et fraternelle collaboration tout en préservant le cloisonnement des services. En décembre 1940, ces deux organismes ne disposaient que de 3 avions bimoteurs et 3 vedettes.

La Mission Dastard

Raymond Laverdet, en seconde position en partant de la gauche. (sources : www.francaislibres.net)

Une des toutes premières missions gaullistes en France occupée. Le 6 septembre 1941, Raymond Laverdet et André Allainmat, officiers du B.C.R.A, sont parachutés à l’aveugle, de nuit et sans réception au sol dans l’Yonne au Petit-Chaumont à sept kilomètres de La Brosse-Montceaux. Ils trouvent refuge chez Charles Lafabrègue, hôtelier à Courlon-sur-Yonne.

Le 12 septembre, ces officiers entrent en contact avec l’Armée des Volontaires de Paris ainsi qu’avec des membres de Valmy, du Parti Communiste et de la SFIO. Le contact de ces groupes avec Londres est établi par Laverdet avec sa radio depuis Paris ou depuis l’hôtel de Courlon. Un premier parachutage d’armes et de matériel est prévu dans l’Yonne à Saint-Bris-le-Vineux en novembre 1941, mais il échoue. En février 1942, Louis Bourdat rejoint la mission Bastard comme instructeur en sabotages. Londres accepte de fournir le groupe Valmy en armes. Le 1er mai 1942, un premier parachutage d’armes, de matériel de sabotages et radios réussit à Courlon-sur-Yonne grâce à une équipe de réception menée par Charles Lafabrègue. Ces armes et matériel seront ensuite dirigés sur Paris afin d’exécuter des sabotages d’usines et de lignes de communications.

Afin de mieux coordonner les services de renseignements avec les besoins en matériels des réseaux, à partir de 1943, le Bureau des Opérations Aériennes (B.O.A.) est mis en place dans la zone nord. Dès lors, les services anglais exigeront une véritable organisation avec officiers formés, des terrains d’opérations repérés et homologués par le B.C.R.A, des moyens de communication radio, du personnel sûr, des secrétaires, des boîtes aux lettres, des agents de liaison, des équipes de veille, de balisage et de réception, des lieux de stockage, etc. (pour en savoir plus).

Les terrains d’atterrissage

Ces terrains doivent répondre à des règles strictes pour l’approche, l’atterrissage, le dépôt et l’embarquement d’agents, de matériel ou de courrier vers Londres et le décollage d’appareils légers comme le Lysander ou le Lockheed Hudson sur un terrain stable, discret, facilement accessible et ce, dans un délai très court. L’action doit être rapide, moins de cinq minutes entre l’atterrissage et le redécollage de l’avion.

Les terrains de parachutage

Quatre sortes de plateformes sont définies pour des opérations différentes.

1 : Les terrains « Arma » ne réceptionnent que le matériel.
2 : Les terrains « Homo » sont destinés à accueillir des agents parachutés.
3 : Terrains « Arma-dépôt » : une équipe disposant de moyens de transport devait assurer une veille chaque nuit afin de pouvoir, le cas échéant, réceptionner du matériel qui n’aurait pu être largué sur son site initial
4 : Terrain « Homo-dépôt »: remplit le même rôle que « l’ Arma-dépôt » mais accueille des agents.

Homologation de terrains par Londres

Des critères bien précis sont retenus pour qu’un terrain « Arma » soit homologué

Assez éloigné des habitations.
Accessibilité pour l’enlèvement du matériel par une équipe d’au moins 8 à 11 personnes avec véhicules.
Zones boisées à proximité pour que le personnel puisse se cacher et y dissimuler immédiatement le matériel reçu.
Que ce terrain fasse au moins 200 mètres de large et 500 de long.
Transmission des coordonnées à Londres d’après les cartes Michelin locales.(n° 61 pour le sud Seine-et-Marne). Des distances en millimètres par rapport aux longitudes et latitudes en grades de la carte.

Pour chaque terrain homologué « Arma », est attribué un nom, une lettre code en morse et une phrase ou un message propre à ce terrain. Ce message est transmis par la B.B.C. dans l’émission « Les Français parient aux Français » à 13h30 – 14h30 – 17h30 – 19h30 et 21h15 au moins trois fois pour qu’il soit reconnu opérationnel, la troisième diffusion étant le message de confirmation.

Le terrain « Tungstène » de Gravon 77

la carte Michelin de l'époqueCoordonnées envoyées à Londres : Michelin n°61, 13km E. Montereau. 26 mm E 0.80 Gr, 76 mm N 53.60 Gr

Message du parachutage de Juillet 1943: « Le tungstène est très répandu dans la nature ».

Lettre code : C

Livraison de 8 conteneurs d’armement et de matériel.

Périodes de parachutage

Deux périodes distinctes sont prévues pour le bon déroulement des opérations. La période dite « lune »entre les premiers et les derniers quartiers, où la nuit est assez claire pour que les pilotes ainsi que le personnel au sol puissent agir et la période dite « inter-Lune » entre les derniers et les premiers quartiers où la nuit noire nécessite un matériel radio pour guider les pilotes, entre autres les systèmes « Eureka » & « Rebecca » ou le « S-Phone ».

Balisage du terrain de parachutage ou de la « Drop-Zone »

Si les missions Jedburgh avaient normalisé les modes de balisage, jusqu’à la Libération plusieurs méthodes avaient cours. Initialement, quelques feux de bois, de paille ou gamelles de charbon de bois arrosées de pétrole, en ligne ou en triangle, délimitaient la zone de largage. En fin de guerre, l’usage de torches de couleur rouge en ligne pour délimiter la zone et le sens du vent, et en équerre, une lampe blanche pour lancer la lettre code en morse, étaient la norme sur tous les terrains.

« … chez Trembleau, Gaillardon expliqua à tous comment on allait procéder et le rôle de chacun. Le balisage du terrain se fait par 3 points lumineux disposés au sol pour former un triangle, placé dans le sens où l’avion devait passer et lâcher ses colis. La lumière de tête devait faire par allumage et extinction une lettre de l’alphabet morse.(…) Cela consistait à utiliser de petits braseros au charbon de bois sur lequel on envoyait quelques gouttes d’essence au moment du passage de l’avion »

« …Tout se lait dans le silence. Vers minuit, près d’un champ bordé d’arbres au sud de la propriété, nous sommes une vingtaine de personnes dont beaucoup se rencontrent pour la première fois. En plus du Père Letourneur, je trouve là les Pères Piat et Gilbert les Frères Perrier et Cuny, avec peut-être l’un ou l’autre scolastique que je n’ai pas remarqué. Je note deux gendarmes en tenue, une charrette attelée, conduite par la seule personne du dehors que je connaisse, Monsieur Severin, fermier de la Bondue. Des feux sont allumés aux deux bouts du champ. Un peu après minuit le vrombissement sourd d’un avion volant lentement à basse altitude se fait entendre. Au deuxième passage, des champignons noirs se détachent de l’ombre de l’avion bien visible sur le ciel clair et les conteneurs tombent rapidement en ligne impeccable entre les feux… (témoignage du Père Henri du Halgouët, O.M.I., revue Pôle et Tropiques, mai 1995)

Parachutages d’armes et de matériel dans le sud du département

Simulation des parachutages des conteneurs d’armes des 4 et 18 juillet 44. Témoignage du Père du Halgouët

Longeant les marges de l’Île-de-France pour plus de sécurité, les parachutages ne cessèrent d’augmenter avec un maximum en juin et juillet 1944, alimentant les différents réseaux de combattants locaux ou dirigés régulièrement vers des dépôts sur la capitale. Le sud de la Seine-et-Marne et le nord de l’Yonne furent les principaux pourvoyeurs en armes pour, entre autres, le réseau « Honneur de la Police » de la Police Parisienne, proche du mouvement « Résistance ». Les camions de la « P.P. », sous couvert de s’approvisionner en charbon de bois pour leur gazogène, descendaient se fournir chez les bûcherons icaunais.

À la maison forestière des « Quatre Routes ». à Sommecaise, les résistants se chargeaient de dissimuler des sacs remplis d’armes et d’explosifs parmi les sacs de charbon de bois. À Paris, les armes étaient entreposées dans les locaux techniques de la PP. Le reste était réparti entre les différents groupes de résistance locaux de Montereau de Misy-sur-Yonne ou de la « Grenouillère » à Courlon-sur-Yonne

Le groupe Gaillardon de Souppes-sur-Loing est de loin le groupe le plus efficace du département, réussissant à organiser une dizaine de parachutages dont deux de personnels instructeurs dans les bois de Cercanceaux. Ces parachutages représentèrent une douzaine de tonnes d’armes, de munitions, d’explosifs, de matériel de sabotage, de matériel radio mais aussi du tabac, des chaussures, de l’argent, des cigarettes américaines, des vestes et du chocolat ; ce qui manquait tant aux hommes et à leurs familles.

Les conteneurs, paniers et bidons

des soldats remplisent les containeurs avant de les charger dans l'avion
souvenirs S.A.S

Le chef de réseau demande via son radio un parachutage de matériel sur un terrain en zone occupée. Le message indique le matériel désiré, les coordonnées du terrain ainsi que le message personnel pour la B.B.C.

Londres expédie une réponse qui confirme les instructions et annonce que l’opération est prévue pour la prochaine période lunaire entre 23 heures et 1 heure du matin G.M.T., soit entre 1 heure et 3 heures du matin localement.

Suivant les besoins et le matériel commandé, le conditionnement peut changer. Seront utilisés des conteneurs de différents modèles, cloisonnés ou non, avec assemblage de cellules ou de bidons. Les conteneurs de type H ou de type C, de diamètres et de longueurs standards, sont les plus utilisés. Un conteneur plein peut peser entre 140 et 200 kg, muni de 4 poignées pour sa manutention, d’un parachute et d’un boudin pour amortir son contact avec le sol.

Pour du matériel plus fragile, postes radio, matériel sanitaire, pharmacie, nourriture ou argent, des paniers en osier font l’affaire et seront largués manuellement en fin de parachutage. Les commandes sont préparées dans des camps en Angleterre pour la R.A.F. et à Alger pour l’U.S.A.F.

schéma intérieur d'un containeur
souvenirs S.A.S

Sur chaque conteneur, sont affichés par des lettres codes le contenu, la quantité de conteneurs et de paniers livrés dans le même parachutage (ici : conteneur type C5, contenant donc des explosifs et 6 conteneurs et 5 paniers dans ce parachutage). Puis les conteneurs sont chargés dans la soute à bombes et sous chaque aile des bombardiers Handley Page Halifax, des B 17 ou des Short Stirling, jusqu’à quinze conteneurs et des dizaines de paniers ou de bidons.

Réception, transport et stockage des livraisons

Beaucoup de résistants racontent dans leurs témoignages combien les nuits de réception de matériels furent des moments des plus exaltants de leurs actions clandestines, l’avion chargé qui surgissait de l’obscurité tissait le lien avec le pays ami et la liberté. Heures les plus dangereuses de l’opération aussi, des informateurs ont pu donner le lieu et l’heure de l’opération à l’ennemi, des patrouilles peuvent circuler par hasard à proximité.

Les passages répétés des gros quadrimoteurs à vitesse réduite et faible altitude en pleine nuit ne passent pas inaperçus non plus.

La réception, le regroupement et le camouflage ou le chargement d’une quinzaine de conteneurs, l’équivalent d’environ 2 tonnes 500, c’est deux à trois heures de travail. Le transport des conteneurs par charrette à bras, à cheval ou par camionnette des fois sur plusieurs kilomètres pouvait être objet de mauvaises rencontres. Les carrières sont avec les cimetières les principaux sites de stockage et de camouflage du matériel Les granges, les caves, les bois, les édifices religieux également.

De là, après inventaire de la livraison, les armes sont réparties par le chef des opérations entre les différents groupes demandeurs en fonction des besoins.

« Le vendredi 26 septembre, « Jourdain » m’a mis en contact avec le responsable, qui nous a fourni des sacs de dos et nous sommes partis le samedi 27, en sa compagnie et des éléments d’un nouveau groupe essentiellement composé de travailleurs à Pont-sur-Yonne. Nous avons pris le train de 16h20 à la gare de Lyon nous étions 9 au total (…).
A Pont-sur-Yonne un homme nous attendait à la gare. Après avoir marché environ une heure, nous sommes parvenus à une carrière de craie où était enterré le matériel. Nous avons reçu quelques mitraillettes Ne voulant pas s’être déplacés pour si peu, nous avons alors été conduits à une autre cachette où une vingtaine de bidons étaient enterrés. Nous avons reçu des cartouches, des crayons allumeurs, des bombes incendiaires et des boudins explosifs.
Nous avons passé la nuit dans la carrière et nous sommes revenus à Paris par le train qui quitte Pont-sur-Yonne à 8 h 50. Ayant réparti le matériel dans nos sacs de dos, nous avons pris le train en groupe et les deux responsables nous ont quittés en arrivant Gare de Lyon. » (Interrogatoire de Hildebrandt Frédérich, Robert (F.T.P. Paris) du 6 octobre 1943 par la Brigade Spéciale de Paris)

« Dans les jours suivants, c’est dans quatre caches que furent réparties ces armes. Une certaine quantité fut cachée à la Croix-Blanche, une partie fut cachée dans des souterrains de vieilles fermes à demi effondrée. C’est le boulanger Desroches de Voulx qui emmena la plus grande partie de ce parachutage dans des caches provisoires à Voulx.(…) Tout fut rangé avec soin dans une ancienne carrière et également dans un caveau du cimetière de Voulx. Une nuit, le stock fut redéménagé vers une sépulture plus grande et plus profonde. » (La Résistance dans le bocage Gatinais. Cahiers de la Résistance n°5, A.N.A.C.R. 77).

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