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Le recrutement

Jean Mazoyer, soldat dans la forêtJean Mazoyer pendant la guerre. En 1936, il participera à la fondation de la mission du Laos

On a du mal à l’imaginer aujourd’hui mais en 1914, l’enthousiasme était grand et l’on se bousculait aux bureaux de recrutement.

On en a une petite idée par comparaison avec l’autre guerre, celle de 1939 où là, par contre, il n’y avait pas foule

C’est ce dont témoigne le journaliste Roland Dorgelès dans son livre : « La drôle de guerre. 1939-1940 ». Il fait la comparaison avec 1914 :

« Vingt-cinq ans plus tôt, on avait dit à leurs pères : « Il faut délivrer l’Alsace-Lorraine » et tous s’étaient dressés ; cette fois on n’avait trouvé pour les enflammer que le nom de Dantzig, c’était trop loin, aussi étaient-ils partis sans entrain. Dès le premier jour, une comparaison s’imposa : en août 14, on s’écrasait aux bureaux de recrutement pour s’engager. »

Chez les Oblats, cette fébrilité était également de mise, et l’on vint de loin pour défendre la patrie.

Désiré Bocquenée (1884-1984)

Désiré Bocquenée était parti en mission dans le grand Nord canadien en 1907. A la mobilisation générale, il rentra en France :

Désiré Bocquené dans le Grand-Nord canadien en manteau de fourrure polaire

Un beau matin, il se présenta au recrutement du 116è de ligne à Vannes.

– Qui êtes-vous ?
– Désiré Bocquenée.
– Vous êtes en retard !
– Je ne crois pas, mon capitaine !
– Alors d’où venez-vous donc ?
– Des environs du cercle polaire, en Amérique. Hier, j’ai débarqué à Bordeaux et je suis accouru ; je n’ai pas même pris le temps d’aller embrasser les miens que je n’ai pas vus depuis dix années !
– Mon Père, lui dit l’officier en l’enveloppant d’un long regard chargé d’émotion et de respect, mon Père, vous n’entrerez pas aujourd’hui à la caserne ; je ne le veux pas. Allez goûter quelques jours les joies de la famille ; allez embrasser vos vieux parents et, quand vous vous serez reposé près d’eux, revenez près de nous apprendre à servir la France.

Et voilà par quelle porte le P. Désiré Bocquenée entra au 25è bataillon de chasseurs à pied.

Raoul Maingot (1863-1930)

Lui était en mission au Sud-Afrique depuis 1889.

La guerre éclate ; il court au premier bateau en partance, s’embarque, voyage deux mois, arrive en France et se présente au bureau de recrutement :

– « Que voulez-vous, Monsieur l’abbé ?
– Du service.
– Mais vous avez plus que l’âge !
– Je crois bien : je vais avoir cinquante-cinq ans.
– Alors ?
– Alors ! il n’y a pas une petite place pour moi dans vos hôpitaux, dans vos ambulances, sur le front, à l’arrière, n’importe où ? Vous comprenez, j’arrive de l’extrémité de l’Afrique méridionale et je n’entends pas rester ici les bras croisés pendant les autres se feront tuer pour la France.

On fit de ce Parisien magnifique un brancardier, un infirmier, un aumônier, dans maints pays, en France et jusqu’en Orient. Cet engagement lui vaudra, à la démobilisation, la citation suivante :

« S’est engagé à 55 ans pour la durée de la guerre et malgré un état physique précaire. A contracté la fièvre typhoïde au chevet des malades en 1915. Demande à faire partie de l’Armée d’Orient. Partage l’existence rude de ses camarades. Réclame le poste d’évacuation aux deuxièmes lignes à Emall, y contracte la dysenterie, refuse d’abandonner son poste, s’y maintient. »

Charles Beaud (1870-1931)

groupe de soldats devant un canon

Pour certains pourtant, ce fut plus compliqué.

Ainsi Charles Beaud, supérieur du collège Saint-Patrick à Jaffna (Sri Lanka, alors Ceylan).

En plus des distances à parcourir pour arriver dans les temps, il fut retenu par la maladie !

Il rejoignit donc son dépôt avec du retard. Bilan : la prison !