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Le drame du 24 juillet 44

Tout, ou à peu près, a été dit et écrit sur cette terrible journée du 24 juillet 1944 qui vit 5 Oblats être torturés et tomber sous les balles de la Wehrmacht, devant l’ensemble de la communauté alignée sur deux rangs, atterrée et épuisée. Certains récits viennent de ceux qui y étaient (Jean Gueguen, Lucien Wisselmann, Jacques Lézy); d’autres rendent compte de la vision des événements tels que vécus par ceux qui étaient engagés dans la résistance locale (Marcel Séverin, Henri Ballot, Joseph Laissiau, Henri du Halgouët); certains enfin, sont des reconstitutions d’après-guerre (Rémy, Joseph Sachot dit « Thosac’).

Certains récits furent écrits immédiatement après : « Missionnaires et Gestapo » de Thosac, inspiré des notes prises en captivité par Jacques Lézy, était publié dès 1945. D’autres rappellent des souvenirs longuement ruminés : c’est ainsi qu’Henri du Halgouët et Lucien Wisselmann écrivent à l’occasion du 50è anniversaire, en 1994. Si la plupart des auteurs sont identifiés, l’un d’entre eux est resté anonyme. Quoiqu’il en soit, chacun adopte un point de vue nécessairement subjectif. Chacun ne peut raconter qu’à partir de ce qu’il a lui-même vécu. Et c’est l’ensemble de ces récits qui permettent d’approcher au mieux la vérité de cette journée.

Ces récits sont disponibles en téléchargement pdf sur ce site. Qu’il suffise, ici, de rappeler les grandes lignes de cette terrible journée :

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4h30 : à la recherche de Henri Ballot, Korf, le chef de la Gestapo de Melun, perquisitionne la villa « Mousse Douce » à Esmans.

6h30 : accompagné d’une compagnie de soldats, le chef de la Gestapo de Melun, Wilhelm Korf, fait irruption au séminaire des missions. La communauté est alors réunie à la chapelle. Henri Tassel, le supérieur, annonce d’une voix douce : « Mes enfants, quittez la chapelle. Ces messieurs voudraient vous parler ».

Pierre Letourneur, l’économe de la maison, et Henri du Halgouët, qui avaient passé la nuit du côté de la ferme de la Bondue, en recherche d’une éventuelle planque, au cas où, et qui rentraient au couvent, sont prévenus que les Allemands sont là. Aidés des voisins, ils prennent la fuite.

Korf fait aligner la communauté le long du bâtiment et fait appeler : « Père Conome ». Celui-ci est absent. Il fait alors appeler le frère portier, Joachim Nio, emmené par la Gestapo à l’intérieur du bâtiment. La communauté est déplacée sur la pelouse sur deux rangs. Ils resteront là toute la journée. Pendant ce temps, le scolasticat est fouillé de fond en comble.

photo ancienne de la salle du ciroir

Le ciroir
Korf fait alors appeler le P. du Halgouët, également absent. Puis c’est au tour d’Albert Piat, de Jean Cuny, de Christian Gilbert et Lucien Perrier, identifié par « Renard »» qui, arrêté deux jours auparavant, porte des traces de coups sur son visage.

Un à un, ils sont emmenés au ciroir où ils sont torturés.

Une heure plus tard, les Allemands se dirigent vers le puits, y font descendre J. Bocquené, M. Ruyant et J. Gueguen, pour retirer la marne qui est au fond. En-dessous, on trouve les containers, des caisses d’armes – vides – et les parachutes ! La preuve est faite. Il y a bien eu livraison d’armes. Korf entend bien se donner tous les moyens pour mettre la main dessus.

La torture et les menaces de mort n’y feront rien. Aucun ne parle, pas plus que les Oblats alignés en rang qui, du reste, ne sont pour la plupart pas vraiment au courant des activités de résistance de certains de leurs confrères.

Pendant le drame, des Oblats sont requis pour préparer le dîner. Poules et vache sont abattues. On va chercher le frère Nio qui possède les clés de la cave. Quand il sort du ciroir, les Oblats constatent qu’il a été torturé : pieds et reins brisés, tympans explosés…

Sur la pelouse, non loin de la communauté, on a sorti Christian Gilbert du bâtiment. Korf lui intime l’ordre de parler. Devant son silence, Korf le fait fusiller. La communauté tombe à genoux. Les soldats les frappent, les obligeant à se relever. Puis c’est le tour d’Albert Piat, lui aussi effroyablement torturés, d’être abattu. Vient ensuite le tour de Lucien Perrier, puis de Jean Cuny et enfin de Joachim Nio. Tous tombent sans rien révéler.

Peu de temps après la guerre, trois Oblats posent devant le puits

Le puits
A Midi est arrivé à vélo M. Lagadec, employé du métro et concierge à la maison mère des Oblats à Paris. Il apporte des ouvrages de théologie et doit rapporter du miel du scolasticat… Après une fouille en règle, il est chassé par Korf qui le croisera à nouveau sur la Nationale en allant déjeuner au restaurant « Relais-fleuri » de Villeneuve-la-Guyard.

Toujours à la recherche des armes et de plus en plus hors de lui, Korf continue de hurler : « J’en tuerai deux, trois, cinq, sept… ». L’arrivée du colonel Otto von Karmainsky fait cesser les fusillades.

Les dépouilles sont jetées sans ménagement dans le puits et en fin de journée, l’ensemble de la communauté est embarquée à Fontainebleau.

En sortant de la Brosse, Korf et une quinzaine de « soudards » tentent d’arrêter Henri Ballot à Montereau. A 17h30, le domicile de Maître Côme est perquisitionné, au 11 square Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie à Paris. Korf fait arrêter des résistants dont Yves Masiée, Jacques Desbois, Maître Côme et son épouse, Henri Devarenne ‘Delorme’, Raymond Mondon « Rudemonde’ et Forthomme ‘Falbray’. En soirée, interrogatoire rue des Saussaies. 14 d’entre eux seront fusillés le 17 août à Arbonne.