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Le cérémoniaire de ND de Paris

En 1855, l’empereur Napoléon III nommait Mgr de Mazenod sénateur d’empire. Dès lors, l’évêque de Marseille monterait régulièrement à la capitale pour tenir sa place aux séances du sénat

Il eut également l’occasion d’y monter pour les événements concernant plus directement l’empereur et sa famille…

Notamment le baptême du prince impérial à Notre Dame de Paris. Le cérémoniaire se souvient…

Monsieur, vous êtes cérémoniaire de la cathédrale Notre Dame de Paris et à ce titre, vous avez l’occasion de rencontrer la plupart des évêques de France. Est-ce que vous avez quelques souvenirs sur Mgr de Mazenod ?

Si je me souviens de Monseigneur de Marseille ? Oh ! oui alors, et même qu’il a failli me faire devenir chèvre !

Comment cela ?

C’était à l’occasion du baptême du Prince Impérial, le fils de l’empereur Napoléon III.

Vous nous rappelez la date, s’il vous plaît !

On ne peut pas oublier un jour pareil. C’était le 14 juin 1854.

Une grande fête ?

Oh oui ! Et même que la cathédrale n’avait pas connu une fête pareille depuis le couronnement de l’autre empereur, Napoléon le grand, le 2 décembre 1804. Il y avait des centaines d’invités, des altesses royales et impériales, des ambassadeurs, des maréchaux, tous les cardinaux, des archevêques des évêques, et même le légat qui représentait le Saint Père en personne. C’était un vrai casse-tête pour le chef du protocole pour placer tout le monde dans le bon ordre, sans vexer personne !

Cela vous a donné beaucoup de travail ?

Ne m’en parlez pas. Depuis une semaine, j’étais sur les dents. J’avais le maréchal du palais, le doyen du chapitre, le préfet de police sur le dos. Tout le monde voulait commander. Un coup on met cardinaux au centre, un coup c’est l’Empereur et l’Impératrice. Et on met le fauteuil du légat à droite. Et on le met à gauche. Il fallait trouver des fauteuil rouge avec des accoudoirs dorés pour les cardinaux, des fauteuils violet pour les archevêques, des chaises pour les évêques. Une semaine que le cirque a duré. Mais le 13 juin au soir, tout était en ordre et tout le monde était content.

Comment s’est passé la cérémonie ?

Le maître de cérémonie accueillait les personnalités et les conduisait à leur place. Moi, j’étais chargé des évêques et des cardinaux. Tout allait bien jusqu’à l’arrivée de Monseigneur de Marseille. Un bien beau vieillard, soit dit en passant : digne, belle chevelure blanche, regard d’aigle. Il dépassait tout le monde de sa grande taille. Mais alors, quel pénible ! A peine arrivé, il marque son mécontentement et il se met à grogner.

Pourquoi ?

Je vous le donne en mille ! Il voulait que les évêques entourent le légat et ne soient pas repoussés au fond du chœur : « Mais enfin, qu’il se met à dire, vous méprisez les évêques. C’est un baptême, un sacrement, pas un bal de la Cour. Nous devons entourés le successeur de Pierre et non pas être au fond comme pour une parade militaire. » Et il prend les autres évêques à témoin. J’ai vu le moment où il allait tout déménager dans le chœur. Heureusement, un certain Guibert, l’évêque Tours si je me souvient bien, a réussi à le calmer.

Après, tout s’est arrangé ?

Oh non ! Quand j’ai vu qu’il allait tout de même à sa place j’ai cru que c’était fini. Eh bien non ! Je le vois qui refuse de s’asseoir et il me fait signe de venir :

« Mon ami, qu’il me dit, je sais que vous n’y êtes pour rien, Vous avez obéi aux ordres. Mais sachez que c’est scandaleux. -Qu’est-ce qui est scandaleux, Monseigneur, que je lui dis ? – Cela, qu’il me répond, en mon montrant l’archevêque d’Auch assis devant lui. – Mais Monseigneur, que je lui fais, les archevêques doivent être au premier rang et les évêques au second. – Oui, mais pas les archevêques seulement nommés par l’Empereur et pas encore investis pas le Saint Père. Monseigneur d’Auch n’a pas été encore confirmé par le Saint Père et il n’est donc pas encore archevêque. Ici, ce n’est pas l’Empereur qui commande, c’est le Pape. » Et le voilà qui recommence à prendre les autres évêques à témoins. J’ai cru que cela allait être la révolution dans le chœur.

Comment cela s’est-il terminé ?

Je n’en sais rien. Le cortège du légat arrivait et je devais m’occuper de l’accueillir. Mais je crois qu’il a adressé une protestation officielle à l’Empereur, sous prétexte que c’était le rôle et le pouvoir du Pape qui était en cause. Je m’en souviendrai de votre Mgr de Mazenod !

Concocté d’après le journal du 14 juin 1856