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Deux parachutages

Dès le printemps, le groupe des oblats engagés dans la Résistance a l’occasion de participer à plusieurs opérations : destruction du câble téléphonique souterrain Paris-Lyon qui suit la vallée de l’Yonne; sabotage de l’écluse de Port-Renard par le groupe Laissiau, fourniture de plastic au groupe Champagne chargé de saboter l’écluse de Champagne-sur-Seine.

Au mois de juin, Henri du Halgouët, jeune prof de philo, est chargé d’accompagner Pierre Mulsan, dit ‘Capitaine Paul’. Ce dernier a été parachuté en Seine-en-Marne par les Anglais afin de repérer des terrains pour des parachutages.

Premier parachutage

Le 3 juillet, Radio-Londres passe le message suivant : « Les lettres anonymes sont un signe de bassesse ». Le premier parachutage est pour la nuit suivante.

Dans la nuit du 3 au 4 juillet, une quinzaine de containers, soit entre 2 et 2,5 tonnes de matériel, sont parachutés, ainsi qu’en témoignera 50 ans plus tard, un des participants à cette virée nocturne, Henri du Halgouët :

Tout se fait dans le silence. Vers minuit, près d’un grand champ bordé d’arbres au sud de la propriété, nous sommes une vingtaine de personnes dont beaucoup se rencontrent pour la première fois. En plus du P. Letourneur, je trouve là les PP. Piat et Gilbert, les FF. Périer et Cuny, avec peut-être l’un ou l’autre scolastique que je n’ai pas remarqué [Oui ! Jean Bocquené]. Je note deux gendarmes en tenue, une charrette attelée, conduite par la seule personne du dehors que je connaisse, M. Séverin, fermier de la Bondue. Des feux sont allumés aux deux bouts du champ. Un peu après minuit, le vrombissement sourd d’un avion volant lentement et à basse altitude se fait entendre. Au deuxième passage, des champignons noirs se détachent de l’ombre de l’avion bien visible sur le ciel clair, et les containers tombent rapidement en ligne impeccable entre les feux. Puis le silence se rétablit.

Vite et sans bruit, la vingtaine de cylindres de plus de cent kilos chacun portés par quatre personnes sont rassemblés autour de la charrette. Un groupe de porteurs accompagne la charge jusqu’au cimetière du village, où noter vaste caveau est ouvert et préparé. Pour faire vite, tout est entassé au fond du sol. Après trois ou quatre voyages, le terrain est entièrement dégagé, les feux éteints et les cendres dispersées, le caveau provisoirement refermé et chacun rentre chez soi vers deux ou trois heures du matin, aussi discrètement que possible.

La nuit suivante, le groupe du scolasticat dont les membre se connaissent maintenant, aidé de quelques personnes du dehors, se remet au travail pour le stockage des armes. On découvre les fusils américains, les mitraillettes STEN et leurs munitions, etc., sans perdre de temps à s’extasier devant cet arsenal. Les nombreuses loges inoccupées du caveau sont remplies, les pierres de fermeture replacées. les containers vides sont bourrés avec les parachutes et aussitôt transportés au puits désaffecté situé en contre-bas de la propriété, à quelques 200 m de la maison vers la ferme en bordure du jardin.

Tout ce travail était donc achevé en deux nuits, apparemment sans avoir causé trop de remue-ménage, et  chacun dans la communauté avait repris ses activités habituelles. » (Henri du Halgouët)

Pour l’exactitude historique, ajoutons aux noms déjà cités l’adjudant Gambier et un autre gendarme, Joseph-Marie Simon, omi, Mr. Bouchet, Mr. Ballot, Mr. Félix et Mr. Mercier.

Le 12 juillet a lieu une livraison d’armes pour « Honneur de la Police », un réseau résistant qui prépare la libération de Paris. Joseph Joanovici, son chauffeur Noblet, Yves Masiée dit ‘Corret’, Jacques Desbois, Robert Scaffa dit ‘Mickey ou Bob’, Lucien Piednoir arrivent au séminaire. Ils sont reçus par Pierre Letourneur qui envoie Henri du Halgouët chercher discrètement des armes. Ce dernier les rapporte dans une petite charrette tirée par un vélo. L’ensemble (mitraillettes, colts et plastic) est chargé dans la traction de Joanovici.

Le 14 juillet, a lieu lieu le mitraillage américain d’un convoi militaire allemand en gare de Champigny sur Yonne. L’équipe sanitaire du séminaire intervint pour secourir les victimes sur place, et pour participer au don du sang à l’hôpital du Montereau. Il y aura 70 blessés et 40 morts.

Le 16 juillet, la ferme de M. Paty brûle. Les séminaristes intervinrent pour circonscrire l’incendie.

Second parachutage

Quelques jours auparavant, le capitaine Desbois accompagné de son agent de liaison, le petit Bob qui sera pris par la suite, vient chercher le P. Simon pour une réunion chez M. Laissiau à La Brosse-Montceaux. Il s’agit d’organiser un second parachutage, toujours sur le territoire de la commune. Dans la nuit du 17 au 18 juillet, a lieu le second parachutage. La nuit est sans lune, les conditions sont plus difficiles et le parachutage se déroula mal. Plusieurs containers restent suspendus aux arbres sans qu’on arrive à les décrocher. Au petit matin, le matériel récupéré est entreposé provisoirement dans la grange de M. Grain Robert, à son insu.

Le lendemain, des scolastiques et vraisemblablement d’autre personnes repèrent les colis mystérieux. A son procès, Korf reconnaîtra s’être rendu dans cette zone, sans doute sur des informations fournies innocemment à la police française, ou directement à ses services.

Cet second parachutage  d’armes donne également lieu à une livraison, le samedi 22. C’est ce qui sera à l’origine du drame du 24.