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"Nuit et Brouillard" censuré

(source principale de cette page : Mondociné

Après la guerre, des voix se sont élevées pour mettre en garde contre l’oubli et – peut-être pire ! – contre la mémoire aseptisée.

C’est le cas du cinéaste Alain Resnais. En 1955, 10 ans après la libération des camps, à la demande du Comité d’Histoire de la Seconde Guerre Mondiale, un organisme d’État chargé de mener des recherches historiques sur les temps sombres de l’occupation, il produit un documentaire intitulé « Nuit et brouillard », du nom de la directive nazie Nacht und Nebel de 1941.

Le texte est écrit par Jean Cayrol, un résistant français déporté à Mauthausen. Il s’agit déjà de dire la vérité.

Le film est bien reçu… le travail d’Alain Resnais est salué par la critique, notamment pour sa sobriété et la beauté des images tranchant avec l’horreur de ce qui y est raconté.

Mais il y a un « mais » : une photo montre un gendarme français surveillant le camp d’internement de Beaune-la-Rolande, dans le Loiret. En montrant ce cliché, le documentaire évoque la collaboration, la participation de la France à l’entreprise nazie. Or, le gouvernement n’est pas prêt à reconnaître cette implication. A. Resnais est prié de faire disparaître le gendarme. Les producteurs et le réalisateur protesteront mais seront contraints de plier. Jean Cayrol s’en plaindra ouvertement dans un entretien accordé au journal Le Monde en 1956.

les deux photos en parallèle. Sur celle de gauche, on distingue au premier plan un gendarme français, de dos, avec son képi. Sur la photo de droite, une barre noire, comme une poutre, cache le képi...

De même, au festival de Cannes de 1957, le film connaît quelques problèmes. L’Allemagne accuse le réalisateur de perturber la réconciliation franco-allemande. La pression est telle que le film est retiré de la Compétition officielle pour être mis dans la catégorie « Hors compétition ».

Il faudra attendre 1997 pour que, dans le film, le gendarme français retrouve son képi !

 

NACHT UND NEBEL

 

Aujourd’hui, l’eau froide des marais et des ruines emplit le creux des charniers, une eau froide et opaque comme notre mauvaise mémoire…

La guerre s’est assoupie, un œil toujours ouvert. Le crématoire est hors d’usage. Les ruses nazies sont démodées

Qui de nous veille de cet étrange observatoire pour nous avertir de la venue des nouveaux bourreaux ? Ont-ils un autre visage que le nôtre ? Nous qui regardons sincèrement ces ruines comme si le vieux monstre concentrationnaire était mort sous les décombres, comme si on guérissait de la peste concentrationnaire, nous qui feignons de croire que tout cela est d’un seul temps et d’un seul pays, et qui ne pensons pas à regarder autour de nous et qui n’entendons pas que l’on crie sans fin… ».

Jean Cayrol
Extrait du texte du film « Nuit et Brouillard » d’Alain Resnais

Retrouvez le texte complet de Jean Cayrol

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