Jean-Marie Collière
Nous vous informons que Jean-Marie Collière est décédé 3/11/2020 à Lyon. Il avait 85 ans.
Jean-Marie Collière était né 27/1/1935
Il avait prononcé ses vœux ches les OMI 29/9/1958
Il avait été ordonné prêtre 24/9/1960
Jean-Marie Collière est né en 1935 à Oran, en Algérie française. La note manuscrite, qu’il nous a laissée sur la chronologie de sa vie, précise un lieu de résidence, mais totalement illisible. Jean-Marie est d’ailleurs toujours resté très discret sur sa famille : je n’ai rien trouvé dans les documents publics, ni dans les souvenirs de nos discussions, concernant son enfance et son adolescence.
Voici donc les quelques points de repères repris de sa note. En 1939 – Jean-Marie a 4 ans – la famille traverse la Méditerranée, et entame un tour de France trop rapide pour que Jean-Marie puisse prendre racine quelque part ; n’est-ce pas d’ailleurs la Seconde Guerre mondiale ? À la Libération, il a 10 ans. De 1939 à 1941, il fréquente l’école à Moret-sur-Loing, Seine-et-Marne ; et les trois années suivantes il est interne dans une école à Melun. Ses années de collège se déroulent à Soisy ; comme quatre communes de l’Île de France portent ce nom, on n’est guère renseigné, sans doute est-ce Soisy-sous-Montmorency dans la banlieue nord de Paris… Jean-Marie note soigneusement qu’il a redoublé sa 6e ! Pour la classe de 3e, il est en 1950 à St-Omer dans le Pas-de-Calais ; il a 15 ans. L’année suivante il est en seconde au Bizet, fraction d’Armentières (Nord) à cheval sur la frontière belge.
C’est en septembre 1952, à 17 ans, que Jean-Marie trouve enfin son ancrage familial définitif : il est accepté à l’École des Missions à Pontmain, pour la classe de 1e et la terminale, appelée alors “philosophie”. Désormais il est attaché aux Oblats et à Marie Immaculée, « pour le meilleur et pour le pire », mais surtout pour le meilleur !
En 1954, Jean-Marie entre donc au Noviciat Oblat de La Brosse Montceaux, où existe déjà le monument aux fusillés oblats de 1944. Il fait ses premiers vœux le jeudi 8 septembre 1955, et part pour Solignac avec toute sa promotion. Il a tout juste 20 ans. Au programme, deux ans de philosophie et quatre de théologie, sans compter les travaux de construction, le sport, les grandes célébrations de vœux et d’ordination, et les camps d’été.
Pour Jean-Marie, la succession des étapes est rapide : le mercredi 29 septembre 1958, c’est l’Oblation perpétuelle, célébrée à l’abbatiale de Solignac ; et le samedi 24 septembre 1960, l’ordination presbytérale. Les Provinces oblates de France avaient en effet un « indult de 3e année », permettant l’ordination un an avant la fin des études ; les honoraires de messe mettaient un peu de beurre dans les épinards… Enfin, le dimanche 21 mai 1961, c’est la remise solennelle des Premières Obédiences : pour Jean-Marie, sa terre de mission sera la Province de France-Nord.
Dans ce calendrier de formation première très serré, il n’y a pas de place pour le service militaire. Jean-Marie en a sans doute été exempté. Sa santé n’a jamais été brillante.
Entre temps, les supérieurs de Rome avaient décidé que, pour la formation des Oblats, six ans de philo-théo ne suffisaient pas. On avait donc créé avec d’autres congrégations une année de formation pastorale, le CFPM – Centre de Formation en Pastorale Missionnaire – basée à Paris. Jean-Marie, jeune prêtre, suit ce programme en 1960-61, à partir d’une paroisse ouvrière à La Courneuve.
C’est à la fin de cette année que le « Révérend Père Jean-Marie Collière », comme on devait désormais l’appeler, est envoyé dans une communauté oblate : ce fut Bar-le-Duc dans la Meuse, diocèse de Verdun. On imagine sept années de ministère classique : prédication, paroisses, et surtout missions paroissiales. En 1961-62, il reste rattaché au CFPM. Les revues oblates le mentionnent enfin en 1967, intégré dans l’équipe de pastorale des vocations du diocèse de Verdun.
En 1968-69, changement de décor : Jean-Marie est à Rome pour l’année d’approfondissement, voulue comme une sorte de « 2e noviciat ». Pour juin 1969, il note un camp-mission, que ses pattes-de-mouche ne permettent pas de préciser davantage. Puis c’est un nouveau départ missionnaire : il est envoyé à Meymac en Corrèze. Il y est membre d’une équipe pastorale mixte en charge du secteur paroissial.
Entre temps les Provinces oblates de France, et particulièrement France-Nord, s’étaient peu à peu orientées vers le monde ouvrier. Le premier oblat prêtre-ouvrier est parti au travail dès 1947, mais les décisions du Pape Pie XII vont marquer un temps d’arrêt pour cette vocation particulière. Une réflexion de fond est reprise en 1967-1968. Jean-Marie, qui participe à cette réflexion, la résume ainsi : il s’agit de « chercher une nouvelle manière d’exister, de se situer, d’agir au milieu des hommes et en particulier des pauvres, comme témoins de l’Évangile ». En 1969, il choisit lui aussi cette option. En paroisse, les semaines sont désœuvrées, à part quelques enterrements. Il demandera donc à son évêque de partir au travail, sans quitter la paroisse – du moins dans un premier temps. À 34 ans, il est P.O.
Jean-Marie a raconté lui-même comment s’est déroulé son départ au travail. Ce fut au retour d’une réunion oblate à Limoges, où entre confrères on avait fait le point sur la nouvelle orientation. « Avant de retourner au presbytère, j’allai directement voir une entreprise du bâtiment pour une embauche possible. “Que savez-vous faire ?” me demanda le patron. – “Rien !” lui ai-je répondu. – “Peut-être que gratter des planches et faire du ciment pourrait vous convenir !” – “Sans doute” lui ai-je répondu. Nous étions jeudi. Le lundi suivant, à 7 h du matin, j’étais à mon premier poste de travail, travail à mi-temps comme manœuvre dans le bâtiment. Restait à desservir nos 5 paroisses sur le plateau de Millevaches… »
Jean-Marie est donc au départ aide-maçon, mais ne le restera pas. Sa condition physique lui interdira peu à peu les emplois manuels trop durs, et l’anticléricalisme lui jouera quelques tours. Il apprendra à la dure ce que c’est que d’être licencié (pas en théologie, certes), et chômeur. Il est donc un temps aide-cuisinier. Il prépare et passe avec succès un CAP de plombier, mais ne trouve pas d’emploi dans cette branche. Il est couvreur, mais les toits ne conviennent pas à sa santé. Il sera aussi saisonnier, cueilleur de pommes… « J’ai eu une douzaine d’employeurs ».
Cette vie apostolique particulière, Jean-Marie la mène en divers endroits de l’hexagone. En 1973-74, il est à Ajain, près de Guéret dans la Creuse. À partir de 1975 à 1977, c’est la Haute-Vienne : St-Yrieix-la-Perche, Limoges. Il reste fixé à Limoges-Beaubreuil – Limoges-Nord, quartier populaire par excellence – de septembre 1978 à septembre 1988. Ce sera ensuite Solignac, pour trois ans encore.
Entre temps, en 1981, Jean-Marie a 56 ans. Pour une dizaine d’années, il prend un nouveau départ dans une branche assez différente du travail salarié : il se spécialise comme travailleur social pour la réinsertion d’anciens détenus. Un peu plus tard, ce sera un travail analogue au sein même des prisons, pour la prévention des récidives dans le crime. Mais les lois changent, les postes sociaux, économiquement improductifs, sont supprimés. Jean-Marie, mis au chômage, n’est pas un idéologue ; mais il aime les pauvres, et a appris à aimer ces pauvres parmi les pauvres que sont les prisonniers – ceux qui avaient déjà touché le cœur du jeune Eugène de Mazenod. Il va donc se redéfinir, logiquement, comme aumônier de prison. On lui demandera un jour s’il est engagé dans le mouvement “Justice et Paix”. Il répond : « Je ne suis peut-être pas dans instances de réflexion, mais j’ai fait ça toute ma vie ! »
C’est à cette époque, en 1991-92, que j’ai eu Jean-Marie Collière comme co-équipier pour un an à la “Mission-Jeunes OMI”, Rue Dalayrac à Fontenay-sous-Bois. C’était alors le Postulat (ou prénoviciat) commun aux trois provinces oblates de France ; la maison est devenue tout simplement aujourd’hui “le 49”. Même si son cœur restait attaché aux prisonniers, même si ses pensées allaient souvent vers eux, Jean-Marie a été un compagnon précieux, chaleureux, efficace. Ses partages – homélies, dialogues ou autres – étaient pétris de son expérience de vie auprès des travailleurs, des pauvres. Son discernement vis-à-vis des candidats était à la foi amical et réaliste. À la maison, il trouvait toujours à s’occuper : réparer, organiser, nettoyer, jardiner. Il savait tout faire, lui qui jadis avait répondu « Rien ! » à son premier patron. Avec humour et gentillesse, il me mettait en boîte car moi, l’intello, de fait je ne savais rien faire, et en plus j’étais empêtré dans des études conjointes de langue vietnamienne et de droit canonique. Par la suite, dans toutes nos rencontres, Jean-Marie ne manquera jamais de rappeler le souvenir de cette année-là ; nous étions restés amis pour la vie.
Mais Jean-Marie ne reste pas : il tient à repartir pour offrir ses services aux prisons. En 1992-95 il est successivement à Dammarie-les-Lys, puis à La Rochelle. Et puis, de 1995 à 2004, ce sont les maisons de détention de Melun ; il a là une adresse mémorable : 1, Place Notre-Dame, à l’ombre de la Collégiale homonyme.
En 2004, Jean-Marie a 69 ans. C’est un nouveau tournant dans sa vie : quittant Melun, “l’homme qui sait tout faire” est envoyé à la communauté du noviciat, à Mons-en-Barœul dans le Nord : « Mon 3e noviciat ! » écrit-il. Le 1er septembre 2009, nouvelle obédience, cette fois comme trésorier du “49” à Fontenay. En 2011-12, il doit faire des allers-et-retours à Mons, pour aider à la fermeture définitive de cette maison. En 2013, il devient économe de la maison du 25 à Fontenay. Durant ces années à Fontenay-sous-Bois, Jean-Marie n’a pas oublié les pauvres : il s’est agrégé comme bénévole, à raison d’une journée par semaine, à l’œuvre parisienne de la “Mie de Pain”, au service des gens des gens de la rue (voir son témoignage ci-dessous). En 2014, il est intervenant aux Semaines sociales de France.
Mais, comme nous tous – sauf ceux qui meurent jeunes ! – Jean-Marie est rattrapé par la vieillesse avec ses caractéristiques moins désirables. En novembre 2016, à 81 ans, c’est l’obédience pour la maison oblate de Pontmain. Je suis sûr qu’il a trouvé là fort à faire dans le parc ; mais les forces ne suivent plus. À partir d’octobre 2018, les séjours se succèdent à l’hôpital. On lui diagnostique la maladie de Parkinson. Il fête Noël 2018 à la maison, mais désormais en fauteuil roulant, avant de retrouver l’hôpital d’Ernée. En juillet 2019, c’est encore une nouvelle obédience, cette fois pour l’Ehpad St-François d’Assise à Lyon. La dernière année de sa vie est un lent déclin, jusqu’à ce 3 novembre 2020, où l’appel retentit : « Viens, bon et fidèle serviteur, entre dans la joie de ton Maître ! » Désormais, l’ancien P.O. ne craint plus d’être licencié !
Merci pour tout, Jean-Marie, et à bientôt !
Roland Jacques
Témoignage de Jean-Marie Collière sur son engagement à la “Mie de Pain”
(Extraits du texte paru dans Audacieux pour l’Évangile d’octobre 2012)
La misère existe toujours : les réponses à celle-ci, si diverses soient-elles, sont toujours d’actualité. Très vite, des personnes se sont structurées en association, avec des professionnels, des salariés et tout un volet de bénévoles. Actuellement, la “Mie de Pain” fonctionne sept jours sur sept ; elle compte plus de 400 bénévoles et elle comprend six structures, parmi elles, le “Refuge”.
Le Refuge est une immense structure, qui assure en hiver 300 à 400 nuitées et quelque 500 repas chaque jour. En été, le nombre diminue et se situe aux environs de 150 à 170 personnes. Toute l’année, le Refuge fonctionne autour que quelques salariés (veilleurs de nuit, agents de sécurité, cuisiniers et travailleurs sociaux), chargés du suivi de chaque résident. Chaque soir s’ajoutent à eux une trentaine de bénévoles. C’est mon cas le jeudi.
Chaque jeudi, vers 17 heures, nous assurons la distribution des repas : soupe, légumes, pain et lait sont servis à volonté… Quelques-uns parmi nous montent aussi dans les dortoirs, où un lit est attribué à chacun, avec des draps propres et un petit casier de sécurité, où chacun entrepose ses affaires : casiers jamais assez grands…
En ce moment, la Mie de Pain est en plein chantier : on y construit, en dur, de nouvelles chambres à deux places. Elles remplaceront les trois immenses dortoirs situés sur trois étages. Le financement est assuré par l’État et par la ville de Paris.
A Paris – comme ailleurs – on ne peut se déplacer sans côtoyer toutes ces personnes qui mendient une petite pièce : dans la rue, dans le métro, aux portes des églises… Donner, c’est toujours possible, mais c’est entrer dans une suite sans fin. Pour ma part, j’oriente mes dons vers des associations structurées, tels le Secours Populaire, le CCFD, l’Ilot… car on ne peut aider quelqu’un à vie, sans s’appuyer sur des structures sociales existantes.
Se retrouver chaque semaine à la Mie de Pain, c’est aussi s’engager en acte pour répondre, chacun à sa manière, aux nécessiteux qui frappent à nos portes.