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La mission universelle de l’Eglise: partage d’expérience

portait d'Alfred Oraza

Envoyé en mission en France depuis son Cameroun natal, Alfred Oraza anime le sanctuaire Notre-Dame de Neunkirch en Alsace, où les Oblats sont présents depuis de nombreuses années.

Après plusieurs années, c’est l’occasion pour lui de nous partager sa réflexion sur la mission, en forme de retour d’expérience.

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Lors de mon voyage de Paris vers l’Alsace, mon nouveau lieu de mission, un monsieur assis près de moi engagea la conversation. Après m’être présenté comme prêtre et avoir expliqué que j’allais en Alsace pour la première fois, il me posa gentiment cette question : « Pourquoi avez-vous demandé à venir en France ? »

Cette question, je l’entends souvent, non seulement de la part de personnes que je rencontre dans mon lieu de mission, mais aussi parfois même d’agents pastoraux sur le terrain. Je me demande souvent : est-ce une simple curiosité ? Un besoin de connaissance ? Ou un soupçon caché derrière les mots ? Personnellement, j’aurais préféré qu’on me demande : Pourquoi avez-vous été envoyé en France pour la mission ? Car, avant tout, la mission est un mandat confié par l’Église, et non une initiative personnelle. En réfléchissant à la signification de la mission universelle de l’Église, la réponse se trouve déjà là.

La mission universelle : un envoi, pas une initiative personnelle

La mission universelle vient du mot latin « missio », qui signifie « envoi ». C’est l’Église elle-même qui, sur mandat du Christ, envoie ses missionnaires pour évangéliser le monde entier. Cette mission trouve son fondement directement dans les Évangiles, notamment dans ce que l’on appelle le Grand Envoi : « Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » (Matthieu 28, 19-20). Jésus nous le répète aussi : « Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création. » (Marc 16, 15). Et encore : « Vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. » (Actes 1, 8)

Je voudrais insister sur deux mots clés : « envoi » et « allez ». Même si un missionnaire peut exprimer son désir d’aller dans tel ou tel pays, c’est l’Église qui envoie. Elle étudie les besoins pastoraux, évalue les priorités, et choisit les lieux de mission. Personne ne se lève un matin en décidant d’aller prêcher en France, en Italie, en Belgique ou en Chine. La mission est un don reçu, pas un projet personnel. Saint Paul nous le rappelle avec force : « Et comment y aura-t-il des prédicateurs, s’ils ne sont pas envoyés ? » (Romains 10, 15). Nous sommes donc tous, sans distinction, des envoyés, chargés d’accomplir la mission du Christ, non pas pour combler un vide, mais pour annoncer l’Évangile là où Dieu nous envoie.

Découvrir l’Alsace : une terre de rencontre et de synodalité

L’Alsace est un magnifique lieu de mission. Je rencontre une grande diversité de personnes, chacune avec sa propre compréhension de Dieu et de l’Église. J’apprécie particulièrement la liberté d’expression qui s’y déploie : la foi peut s’y témoigner ouvertement, les échanges entre fidèles, agents pastoraux, autorités religieuses et même civiles sont francs et constructifs. Pour moi, cela reflète l’ouverture et la synodalité de l’Église, où chacun a la parole.
La mission en Alsace est aussi riche de diversité culturelle. Les équipes pastorales sont souvent mixtes : des ouvriers de l’Évangile venus d’ailleurs travaillent aux côtés de prêtres et de laïcs locaux. Ensemble, nous formons l’unique Église du Christ. Cette expérience me rappelle que notre Église est catholique, c’est-à-dire universelle : dans l’annonce de l’Évangile, personne n’est étranger.

la foule assiste à la messe le 15 août en plein air

La pastorale des pèlerins : témoigner plus que parler.

À Notre-Dame de Neunkirch, où j’exerce ma mission, j’accueille de nombreux pèlerins. Beaucoup ne sont pas chrétiens, ni même pratiquants, mais je constate chez eux un profond désir de s’approcher des lieux saints. Cela me confirme que c’est Dieu lui-même qui attire les cœurs.

Pour ma part, je vis ma mission davantage par le témoignage que par la parole. Je ne suis pas un grand orateur, mais je crois que Dieu m’a donné la grâce de vivre l’Évangile par l’exemple. Dans un monde où le numérique rend la Parole de Dieu facilement accessible, le témoignage de vie devient essentiel : il crédibilise l’annonce et touche les cœurs en profondeur.

Comme l’écrivait Paul VI dans l’exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi : « Le monde a besoin de saints qui vivent intensément le message qu’ils proclament. Ce qu’on attend d’eux, c’est d’abord le témoignage d’une vie conforme à ce qu’ils annoncent. » (EN, n°30). Je suis convaincu que la meilleure catéchèse aujourd’hui est de vivre l’Évangile que nous prêchons.

Défis et apprentissages dans la mission :

À mon arrivée à Neunkirch, l’accueil a été mitigé pour certains. J’ai compris que c’était naturel : dans un nouveau territoire, il faut du temps pour créer des liens. J’ai choisi de faire confiance à Jésus et à sa promesse : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » (Matthieu 28, 20). Cette confiance me soutient encore aujourd’hui. Peu à peu, le chemin de l’acceptation mutuelle s’est ouvert et je peux vivre ma mission dans la paix.
En Alsace, cependant, j’ai constaté une difficulté : le manque de transmission dans certains services pastoraux. Parfois, une responsabilité est tellement « appropriée » par une personne qu’aucune autre ne peut la partager : sacristains, fleuristes, réceptionnistes, liturgistes… Ils font souvent un excellent travail, mais n’initient personne. Et lorsque l’un s’absente, tout s’arrête. Or, l’Église vit depuis plus de deux mille ans grâce à la passation et à l’ouverture. Former les autres et transmettre nos compétences fait partie intégrante de la mission.

La vérité de l’Évangile : une annonce exigeante.

L’Évangile n’est pas un message pour « faire plaisir », comme on offrirait un cadeau d’anniversaire. C’est une Bonne Nouvelle, parfois difficile à entendre, mais toujours libératrice. Notre mission n’est pas d’édulcorer la Parole, mais de l’annoncer avec vérité et charité. Jésus lui-même l’affirme : « Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre ! Je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. » (Matthieu 10, 34). L’annonce de l’Évangile demande rigueur et fidélité, même lorsqu’elle dérange.

Alfred Oraza célèbre l'eucharistie avec deux confrères

Le regard fixé sur le Christ : source d’espérance : En lisant le message du pape Léon pour la Journée mondiale des missions 2025, intitulé, « Missionnaires de l’espérance parmi les peuples », j’ai été marqué par cette phrase : « Sur les traces du Christ, notre espérance. » C’est pour moi un rappel fondamental : notre mission n’a de sens que si nous gardons les yeux fixés sur le Christ. En marchant dans ses pas, nous pouvons à notre tour porter l’espérance à nos frères.

Aujourd’hui, je vis ma mission en Alsace dans la joie, la paix et la prière. Le silence de Notre-Dame de Neunkirch favorise l’écoute intérieure et la rencontre avec Dieu. Dans cette aventure, la Vierge Marie est mon soutien le plus proche, me conduisant chaque jour à son Fils.

Alfred Oraza, omi.