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Un si fragile vernis d'humanité

Comment comprendre cette facilité des humains à entrer dans le mal ? inversement, comment expliquer la capacité de certains à y résister ? Est-on prédisposé à devenir un héros et à poser des actes héroïques ? A l’inverse, ceux qui ont commis le pire étaient-ils prédéterminés ?

Non ! Répond M. Térestchenko dans son ouvrage : « Un si fragile vernis d’humanité. Banalité du mal, banalité du bien » (Ed. La Découverte).

Et de prendre deux exemples pour illustrer sa thèse :

Au Chambon-sur-Lignon durant la guerre, quelques 5.000 juifs furent cachés par le pasteur André Trocmé, sa femme Magda et la communauté villageoise, au prix d’une incroyable prise de risque.

Dans le même temps, le camp de concentration de Treblinka était dirigé par le SS Franz Stangl, condamné à perpétuité en 1970 pour le meurtre de 900.000 personnes.

Qu’est-ce qui a conduit l’un au meilleur, et l’autre au pire ? se demande M. Térestchenko ! Étaient-ils prédestinés ? Non ! Répond-il.

Enfants, sur la photo de classe, rien n’aurait distingué le petit « futur Pasteur Trocmé » du petit « futur-chef-du-camp-de-Treblinka ».

Dans une présence à soi-même telle qu’elle permet
« d’accorder ses actes avec ses convictions » !

Depuis son enfance, petit André Trocmé avait appris les petits renoncements, les petits engagements altruistes au service des autres, l’empathie.

Par un type d’éducation encadrée mais non répressive, on lui avait permis de développer une personnalité autonome, enracinée dans de solides convictions.

Ainsi, au moment de s’engager dans la prise de risques, il était prêt, ne faisant – en un peu plus ample que d’habitude – que ce qu’il avait toujours fait !

A l’inverse, petit Franz Stangl avait cheminé de petits renoncements en lâchetés plus grandes.

Il était de plus en plus soumis au désir de reconnaissance sociale qui provoquait sa soumission aux règles, aux normes et aux idéologies.

Il s’était progressivement transformé en « instruments dociles et passifs d’ordres cruels et destructeurs »… et ce jusqu’au pire…

Bertrand Evelin

Extrait du mémorial de la Shoah :

On a pu espérer, un temps, que les monstruosités de la Seconde Guerre mondiale étaient derrière nous. Définitivement. Or partout, à nouveau, on massacre, on torture, on extermine. Comment comprendre cette facilité des hommes à entrer dans le mal ? Michel Terestchenko rouvre ici le débat, en complétant notamment la démonstration de Hannah Arendt. Héros ou salaud ? C’est toujours une décision initiale, à peine perceptible, qui décide du côté dans lequel, une fois engagé, on se retrouvera in fine.

Mais qu’est-ce qui explique cette décision ? C’est là où l’enquête de M. Terestchenko prend toute son ampleur. Elle montre combien est stérile l’opposition entre tenants de la thèse de l’égoïsme psychologique et défenseurs de l’hypothèse d’un altruisme sacrificiel. Ce n’est pas par «intérêt» que l’on tue ou que l’on torture. Ni par pur altruisme qu’on se refuse à l’abjection. Les travaux qui analysent les phénomènes de soumission à l’autorité, de conformisme de groupe ou de passivité face à des situations de détresse invitent à comprendre tout autrement les conduites de destructivité.

Tirant les conclusions philosophiques de recherches récentes entreprises en psychologie sociale et s’appuyant sur certains exemples historiques particulièrement éclairants, l’auteur propose de penser les conduites humaines face au mal selon un nouveau paradigme : celui de l’absence ou de la présence à soi.

Source: Mémorial du la Shoah

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