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La résistance spirituelle (1941-1944)

Les cahiers du Témoignage chrétien

portrait du Père Pierre Chaillet

Dans les dernières semaines de 1941, alors qu’à travers toute l’Europe flottait la croix gammée et que la France était soumise aux prédications résignées d’un vieux maréchal, de petits opuscules commençaient à circuler sous le manteau à Lyon, dans le Sud-Est, le Centre, le Midi.

Intitulés Cahiers du Témoignage chrétien, ils étaient dus à l’initiative d’un jésuite intrépide, le père Pierre Chaillet, aidé de quelques amis de son ordre et d’une poignée de catholiques et de protestants.

Cette Résistance ne fut pas seulement patriotique, elle visait surtout son idéologie. Le titre du premier cahier : « France, prends garde de perdre ton âme » donne le ton de ces écrits qui se veulent tout autant d’analyse que de combat : il s’agit de comprendre le nazisme comme racisme foncièrement opposé à l’éthique évangélique, et comme néopaganisme destructeur des valeurs fondamentales de la civilisation chrétienne. Avec grand style et avec la virulence de ceux qui ont choisi de dire Non -y compris à la hiérarchie des évêques pétainistes- au péril de leur vie, les auteurs s’en prennent à l’antisémitisme, au culte du surhomme, à l’esprit de soumission. Leur message demeure une composante majeure de la Résistance, mais au-delà de l’Histoire, il s’adresse aujourd’hui à nous tous, avec la même urgence.

Présentation du Témoignage Chrétien

la Une du numéro de mai 1944 : 'Exigences de la libération'Au départ, l’idée était simple. Dans un pays détruit par l’effondrement de 1940 et soumis aux ordres de Pétain, le vieux maréchal, la priorité des priorités consistait à mettre en garde non seulement les chrétiens, mais aussi l’ensemble des Français, contre le danger mortel que représentait le nazisme.

En face d’un système d’oppression totalitaire, dangereux à la fois par sa doctrine et par son action, tantôt ouvertes tantôt camouflées, le premier impératif était d’empêcher que la vérité ne fût étouffée et de porter témoignage des valeurs spirituelles, tant chrétiennes qu’humaines

Dans cette lutte acharnée pour le salut de l’humanité, le Témoignage chrétien a porté le fer contre les trois grands ennemis menaçant la France et l’Europe après la victoire du Reich.

• D’abord le RACISME, avec son refus de reconnaitre à chaque être humain une même nature et une même dignité, avec son mépris et sa volonté d’élimination des Juifs.

• En deuxième lieu, la RELIGION DU SURHOMME incarné par le modèle de l’Aryen, appelé à dominer le monde.

• Enfin, la VIOLENCE BARBARE exercée au détriment des faibles, ces Untermenschen, dont le sort est de subir la loi d’un peuple supérieur, le peuple allemand.

C’est précisément parce que ce combat a été un combat pour des enjeux fondamentaux que l’aventure a été par essence une aventure spirituelle. Une lutte de trois année, depuis l’été 1941 jusqu’à l’été 1944 quand la Libération a apporté la Délivrance.

Trait original de l’œuvre entreprise : son caractère œcuménique. Car ce témoignage a été un témoignage conjoint de catholiques et de protestants, réunis par une même foi et associés en dépit du passé, en vue d’opposer à l’emprise du mensonge totalitaire l’enseignement de la Parole de Dieu.

Il est difficile aujourd’hui de mesurer l’audace et le courage qu’il a fallu à cette poignée de chrétiens. Dans l’Église catholique, l’autorité régnait sans partage. Le dogme de l’infaillibilité du pape romain était la règle. L’obéissance, la vertu première. L’Église française, quant à elle, avait prescrit de pratiquer « un loyalisme sincère et complet envers le pouvoir établi » et ordonnait de « se placer à ses côtés sur les trois terrains du Travail, Famille, Patrie ».

Au contraire, le Témoignage chrétien se définit comme le Lien du front de Résistance spirituelle contre l’hitlérisme, car « la victoire du nazisme n’était pas seulement la victoire militaire des Allemands, c’était la victoire d’une idéologie perverse, d’une perversion fondamentale ».

L’originalité du Témoignage chrétien à côté des autres journaux et tracts de la Résistance, feuille de circonstance et de combat, fut de rédiger et de diffuser de véritables opuscules, sinon de petits ouvrages d’Information et de réflexion.

Enfin, face à la question de la différence entre Résistance spirituelle et Lutte armée, force est de reconnaître que la logique du combat entrepris par le Témoignage chrétien conduisait à prendre un jour les armes. Ainsi, bien des chrétiens ont choisi de participer dans la clandestinité à l’action de guerre, depuis l’abbé Bonpain, curé de Rosendael, fusillé en 1943, à Elise Rivet, de son nom de religieuse : « Mère Marie Elisabeth de l’Eucharistie » des Sœurs de Notre-Dame de la Compagssion, qui cachait des armes dans son couvent, morte à Ravensbrück, depuis les trappistes des Dombes aux Oblats de Marie immaculée massacrés en Seine et Marne, pour ne prendre que quelques figures exemplaires au milieu de milliers d’autres.